Maurice Meyer : « L’agriculture bio redonne son sens et sa valeur au travail de l’agriculteur »

Écrit par sur juillet 24, 2018

Grand voyageur, agriculteur en biodynamie depuis vingt ans à Valff, à 30 kilomètres au sud de Strasbourg, ancien auditeur pour ECOCERT, Maurice Meyer a rajouté en 2004 une corde à son arc : celle de co-fondateur et directeur du salon BiObernai, qui a rassemblé plus de 250 exposants et a attiré 25 000 personnes en 2017. Rencontre avec cet « hyperactif du végétal » aux multiples projets et multiples casquettes.

C’est l’effervescence au siège d’Alsace Bio, la société organisatrice du salon BiObernai : en cette fin du mois de juillet, il ne reste que quelques semaines pour préparer la 15e édition du salon, qui aura lieu les 14, 15 et 16 septembre. La petite équipe s’active : il faut boucler la liste des exposants, contacter les partenaires, communiquer sur l’événement…

Maurice Meyer, le gérant de la société et agriculteur (sa ferme Saint-Blaise se trouve sur la commune de Valff, à quelques kilomètres de là) nous reçoit dans son grand bureau, en plein cœur de la coquette ville d’Obernai : pendant plus d’une heure, il raconte son parcours, ses voyages, sa vision de l’agriculture, ses connaissances sur les plantes.

(Document remis)

Maurice Meyer entouré de ses deux associés Thibault Mangin et Louis Rivoire, qui exploitent ensemble la ferme Saint Blaise à Valff, à côté d’Obernai. (Document remis)

Né en 1964, il agrandit dans la ferme familiale, exploitée par ses parents, qui n’hésitent pas à le faire participer aux travaux agricoles. Déjà à l’époque, Maurice Meyer avait cette fibre « écolo » qui ne l’a pas quitté depuis :

J’ai disputé mon père plusieurs fois car il brûlait les emballages plastiques qui contenaient les engrais chimiques que l’on utilisait, et mettait ce qu’il en résultait après la combustion, une espèce d’amas informe de plastique, dans la forêt ! Tous les agriculteurs faisaient ça à l’époque, surtout qu’il n’existait pas encore de déchetterie adaptée, mais ça me révoltait déjà.

Entré au lycée agricole d’Erstein, il choisit la spécialisation Agriculture biologique, ce qui lui vaut le surnom de « l’écolo ». Il poursuit ses études et devient à 26 ans technicien supérieur spécialisé dans l’agriculture biologique, « ce qui était très rare à l’époque : nous étions à peine une vingtaine dans toute la France à l’époque », souligne-t-il.

Son diplôme en poche, Maurice Meyer entreprend un tour de France à cheval, puis fait le tour des États-Unis, puis de l’Afrique, en stop, jusqu’au Cap de Bonne-Espérance.

Ses voyages terminés -et son porte-monnaie vide-, Maurice Meyer rentre en France et est approché par l’organisme ECOCERT, pour qui il deviendra auditeur pendant cinq ans. Une expérience enrichissante, qui l’a amené une fois encore à parcourir le monde :

ECOCERT est un organisme agréé qui vérifie que les exploitations agricoles ou les transformateurs qui travaillent en bio respectent bien tous les points de réglementation dictés par l’Europe en 1991 [modifiés depuis en 2007, complétés en 2008, ndlr] : la non-utilisation de pesticides et d’engrais de synthèse, la rotation des cultures avec des légumineuses, etc. Il nous fallait contrôler aussi bien les exploitations européennes que celles qui exportent du bio en Europe : même s’il n’existe pas de réglementation précise dans les pays en question, les produits importés en Europe doivent respecter la réglementation ECOCERT. C’est ce que j’ai fait pendant cinq ans, et j’ai pu voyager à nouveau partout dans le monde.

A l’approche de la retraite de ses parents, il entreprend la conversion de l’exploitation familiale en bio – cette conversion, qui prend au minimum deux ans (davantage si le champ agricole a été extrêmement pollué), permet d’assurer que la production agricole soit bien considérée comme de l’agriculture biologique.

Cette phase de conversion terminée, il reprend l’exploitation familiale en janvier 1996.

Une exploitation agricole tournée vers la biodynamie

Depuis, l’ingénieur agricole devenu agriculteur s’est tourné vers la biodynamie, du nom de cette méthode de production agricole développée à partir de 1924 notamment par Rudolf Steiner, qui considère l’exploitation agricole comme un organisme vivant, diversifié et autonome, nécessitant peu d’intrants. Dans cette démarche, l’agriculteur utilise des préparations en très petites quantités (par exemple de la silice) qu’il répand sur les sols ou les plantes, pour les renforcer et éviter le développement de parasites, explique Maurice Meyer.

Dans sa ferme de 19 hectares, Maurice Meyer produit des légumes, des pommes de terre, des céréales, le tout en rotation avec de la luzerne, qui permet de réinjecter de l’azote dans le sol, élément indispensable à la croissance des plants.

(Document remis)

Thibaut Mangin et Louis Rivoire épaulent Maurice Meyer à la ferme Saint Blaise à Valff. (Document remis)

Pour Maurice Meyer, seule l’approche biologique de l’agriculture permet de rétribuer correctement l’exploitant agricole, et de redonner sens à son travail :

L’objectif de l’agriculture c’est quand même de produire une alimentation de qualité pour le consommateur, sans l’empoisonner. Si on peut protéger l’environnement en plus, c’est mieux ! Cela permet de réinjecter du sens dans le travail de l’agriculteur, d’autant plus que l’agriculteur bio est souvent en contact direct avec le consommateur, donc il y a une certaine responsabilité face à lui. L’agriculteur traditionnel, qui revend sa production à un transformateur sans savoir ce qu’elle deviendra, retire moins de satisfaction personnelle dans son travail… Avec le bio, le métier reprend sa valeur noble.

A l’origine de la création du salon BiObernai, la volonté de (re)tisser des liens entre producteurs alsaciens et consommateurs

Dans les années 2000, Maurice Meyer a l’idée de réunir agriculteurs et consommateurs alsaciens, alors peu en contact selon lui :

Le salon a été créé en 2004 pour mettre en valeur l’origine locale du produit : il y a quelques années, il était difficile de trouver des produits bios en Alsace, et les consommateurs étaient prêts à faire venir du bio de très loin, ce qui finalement n’a pas grand intérêt. Les consommateurs sont aujourd’hui presque plus sensibles à l’origine locale qu’à l’origine bio, d’où la création du salon qui valorise le travail des agriculteurs de la région, afin que les consommateurs soutiennent eux aussi la protection de leur environnement proche.

(Document remis)

En tant qu’auditeur ECORCERT, Maurice Meyer a auditionné près de 600 exploitations agricoles partout dans le monde. Devenu lui-même agriculteur, il anime des conférences sur la biodynamie, notamment en Chine. (Document remis)

L’objectif est également de rassembler producteurs, transformateurs, distributeurs et consommateurs, une fois par an, dans un même lieu, afin de favoriser les contacts ; en 2017, les producteurs comptaient pour 30% des 250 exposants du salon.

La 15e édition du festival, les 14, 15 et 16 septembre, portera sur le végétal, sous toutes ses formes :

Le végétal est présent partout, aussi bien dans l’alimentation que dans la construction (par exemple via les murs végétalisés), dans le secteur de l’automobile, celui de la santé, du textile, des cosmétiques… Tous ces sujets sont passionnants à découvrir, et l’objectif du salon est de présenter toutes les nouveautés aux consommateurs, qui partiront avec quelques produits, et surtout des idées !

Mais l’organisation d’un tel événement n’est pas neutre écologiquement parlant, reconnaît Maurice Meyer : en 2017, le salon BiObernai avait rassemblé près de 25 000 personnes et 250 exposants, donc autant de voyages en voiture ou camions.

Alors pour boucler la boucle, Alsace Bio a décidé de reverser, chaque année, une petite somme d’argent à Pur Projet, qui replante des arbres en Amérique latine, en compensation de la pollution générée par l’organisation du salon, en fonction du tonnage et du nombre de kilomètres effectués.

Et les visiteurs seront invités à participer eux aussi, « probablement à partir de l’année prochaine » : en reversant quelques centimes d’euros, ils contribueront à la replantation d’arbres, compensant ainsi leurs déplacements jusqu’au salon. Car comme aime à le rappeler Maurice Meyer, les humains, comme les plantes, font partie d’un tout, qu’il importe de ne pas déséquilibrer…